Introduction aux JNE 2023 de Dijon.

Dès son origine l’orientation scolaire et professionnelle française s’est donnée un objectif de justice sociale. Sous la pression d’un contexte économique et politique moins favorable à l’égalité et plus préoccupé d’assurer l’employabilité et l’agilité dans un monde en croissance rapide, cet objectif est sans doute passé, en pratique, au second plan. Avec la montée des périls, sociaux, environnementaux, géopolitiques et climatiques, la justice sociale ne devrait-elle pas devenir pour les chercheurs et les praticiens, à nouveau, une priorité.

L’heure n’est-elle pas venue pour les Psychologues de l’Éducation Nationale de s’engager résolument en faveur d’un monde juste et durable ? Pour une société écologique, démocratique et sociale du 21ème siècle ? Alors que les frontières se referment, les inégalités s’accroissent sur toute la planète, amplifiées par la crise sanitaire, économique et climatique. Fin du monde et fin du mois sont au cœur des revendications d’une jeunesse au futur incertain.
Alors que la France apparaît dans de nombreuses étude#s comme l’un des systèmes éducatifs les plus inégalitaires des pays de l’OCDE. Notre pays a pourtant été un creuset de courants pédagogiques divers comme l’éducation nouvelle, la pédagogie critique, la pédagogie de la coopération, l’enseignement mutuel, qui mettent au cœur de leur pratique la lutte contre les diverses formes de dominations et fournissent des exemples vivants de pédagogies émancipatrices.

Soumis à un feu roulant de réformes et d’innovations, une grande partie des professionnels de l’Éducation expriment un désarroi et une perte de sens. L’École apparaît de plus en plus soumise à la norme importée de l’employabilité, de la compétitivité, voire de la rentabilité, au détriment de sa fonction culturelle, morale, citoyenne. La tension entre l’ambition émancipatrice affichée par l’École et la production de main d’œuvre au service des intérêts économiques est particulièrement explicite dans les dispositifs d’accompagnement des choix d’orientation élaborés par les régions.

Le Cnesco a détaillé une « longue chaîne de processus inégalitaires » qui se cumulent et se renforcent à chaque étape de la scolarité dans un système encore très imprégné de méritocratie : inégalités de traitement, inégalités de résultats, inégalités d’orientation, inégalités d’accès au diplôme et même inégalités d’insertion professionnelle. La justification méritocratique des inégalités de carrière scolaire ne tient plus. Ainsi à même niveau scolaire, les élèves d’origine défavorisée ont deux fois moins de chances d’intégrer le lycée général.i

De nouvelles théories et pratiques de conseil apparaissent aujourd’hui, avec l’objectif d’encourager la contribution de tous au bien commun et qui se donnent pour finalité l’émancipation des usagers. Les Psychologues de l’Éducation Nationale sont parfois invités à tenir compte du respect de l’environnement et de la justice sociale dans leur manière de présenter la réussite scolaire et professionnelle. Certaines approches veulent développer des contextes qui donnent le pouvoir d’agir et des dispositifs collectifs. D’autres veulent interroger les représentations et stéréotypes qui limitent pour les individus l’accès aux ressources économiques ou limitent l’accès à une reconnaissance sociale et à la représentation politique.

Comment les psychologues de l’éducation nationale qui se tiennent en équilibre entre les aspirations des jeunes, leur développement cognitif, social, affectif et les attentes du marché du travail peuvent-ils contribuer eux aussi à la promotion d’une société plus résiliente et plus juste ? Les thèmes phares de bien-être, d’épanouissement individuel, ou de vulnérabilité répondent-ils aux questions de la jeunesse dans un monde en crise ? ces questions seront au cœur de nos journées d’études : controverses et débats nous permettrons d’imaginer comment les nouvelles théories et pratiques des psychologues de l’éducation nationale peuvent contribuer à l’émancipation des jeunes.